Poèmes d'amour et de combat
Vivre Je vis ma vie dans un cercueil Cent cafards et quelques vers M’accompagnent. Je vis parce que Je n’ai aucune autre alternative Que de vivre. Les cafards et les vers N’ont pas d’autres choix, Eux non plus. Des âmes vivent dans un cercueil Nous nous toisons tous d’un œil vitreux Nous nous mangeons, Nous nous buvons, Les uns les autres En nous demandant Pourquoi nous vivons ! Je ne connais pas la réponse, Les cafards et les vers L’ignorent aussi.
Pleine lune
Je suis seule.
La lune là-haut est seule aussi.
Moi qui suis la plus malheureuse sur la terre,
Je contemple le bonheur dans le scintillement du clair de
lune.
Me voyant, la lune est si embarrassée
Qu’elle se voile aussitôt la face
De honte derrière un nuage.
La lune ne savait sans doute pas
Qu’un être humain pouvait être aussi seul.
La lune a une cour aussi vaste que le ciel
Et des bandes de filles-nuages avec lesquelles jouer.
Mais moi, qui ai-je ?
Ne vibre ni ne résonne
Tant de choses vibrent et résonnent,
Les cellules à l’intérieur du corps,
Les clochettes aux chevilles quand elles dansent,
Les bracelets d’argent au poignet ?
La pluie de la mousson rebondit sur la fenêtre, et les vitres, en
musique, vibrent et résonnent.
Dès que les nuages s’entrechoquent, le tonnerre vibre et
résonne.
Les rêves résonnent, imposent au temps leur rythme,
Puis, dans un grand chamboulement intérieur,
La solitude vibre et résonne.
Seule la cloche intime de ma porte ne vibre ni ne résonne.
Solitaire (Un jeune homme pense à une autre femme) Cela arrive chaque fois qu’on n’a nulle part où aller. Une cour sinistre, un arbre fruitier, un chat solitaire, je marche De long en large entre les citronniers. Quand il n’y a nulle part où aller, on sort d’une pièce pour aller dans la cour Puis on revient dans la même pièce. Certains soirs d’hiver semblent si longs Qu’on voudrait les repousser le plus loin possible Pour laisser place à une nuit profonde et paisible Ou à une matinée éclatante de soleil. Les journées passeraient ensuite à rêvasser Et à bavarder. Quand il n’y a nulle part où aller, Je m’assois tranquillement sous la véranda, Me fraie mentalement un chemin à travers la brume Et entre dans une autre pièce. Qui le beau jeune homme serein Assis là attend-il ? Je n’ai nulle part où aller. En regardant fixement ces pièces si familières, la cour, le mur, Les soirs d’hiver, Je frappe mentalement à une autre porte, Toc, toc, toc, Je retiens les larmes qui montent de mon cœur brûlant Et je crie Jeune homme, qui attends-tu ? Rêve domestique A quoi ressembles-tu dans ton lit Au moment où tu t’endors Ou au sortir d’un rêve ? A quoi ressembles-tu au lever, Quand tu vas dans la salle de bains Te verser un verre d’eau de la cruche Pour le boire ? Je ne t’ai jamais vu dans un contexte domestique Après que tu t’es rasé et baigné. A quoi ressembles-tu Quand tu chantonnes, Quand tu retires ta chemise, Quand une femme étale La forêt de sa chevelure Sur ton large torse Et t’inonde de caresses ? Quand réveillé au plus noir de la nuit, Tu te noies Dans l’amour fou d’une femme Comme la houle des vagues sur le fleuve ? Je meurs d’envie de voir un jour Comment le corps d’une femme Frémit de joie sous ta main. Pour une fois, je veux être une femme, entièrement femme !
Courbée devant un arbre
Je n’atteins que le s branches douloureuses
Jamais je ne toucherai le sommet
Où le vert feuillage dissimule le bonheur.
Etendre mes bras m’affole,
Qui pansera mes maux et mes blessures ?
Je me suis assise sous ton ombrage
Tout au long de mon infinie jeunesse.
Je voulais ramasser les fleurs et les feuilles mortes,
Glaner quelques raisins pourris.
Mes pieds sont couverts de poussière
Toute la journée, j’ai erré tel un cerf volant coupé de son fil.
Je t’en prie, donne – moi quelque chose,
Car rentrer chez soi les mains vides est de mauvais augure.
Même si tu me transmets la maladie jaune que tu abrites.
Je prendrai ça pour du bonheur les yeux fermés-
Si tu le dis !
Bon, si tu ne peux pas me donner un peu de vrai bonheur,
Pourquoi refuser de me donner un peu de douleur ?
Poème d’eau
Le pichet est rempli, il y a une mare juste à côté,
Puise de l’eau dans l’u ou l’autre si tu as soif.
Si tu as encore soif, va boire à la rivière Kongsho,
Une fois bue toute l’eau, si tu as encore soif,
Viens me voir.
Un océan solitaire pleure dans mon cœur.
Sombre et beau
Quand je te vois
Je voudrais recommencer ma vie à zéro.
Quand je te vois.
Je voudrais mourir et, en mourant, me transformer en eau
sacrée.
Si jamais tu as soif, tu viendras boire cette eau.
Je te donnerai mon ciel,
Le soleil et la pluie, ce qui te plaira, tu n’auras qu’à le prendre.
J’embrasserai ton insomnie et te donnerai ma morphine.
Offre-moi une nuit longue de douze années
Dans laquelle te voir.
Toi qui es plus lune que la lune,
A ton clair de lune, je peignerai ma chevelure.
Un jour, je mettrai du vermillon sur mon front,
Et me vêtirai comme une femme qui attend son amant.
Quand je te vois,
Je voudrais mourir. Si ton désir met le feu à mon bûcher,
En mourant, c’est sûr, je monterai au ciel.