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Elguijaronegro
25 juillet 2005

Nun ago... (où es-tu?)

Il y avait un ami, sensible à toute chose,
transfiguré par les ailes de la poésie
et les vers bien sentis.

Un bertsolari,
transi de solitude,
qui avait appris avec douleur
à tisser les mots pudiquement.

Où est-tu,
dans quels pâturages berger d'Urepel?
Toi qui avais fui
montant vers les flancs des montagnes,
vers l'avenir qui est souvenir...

Tu avais libéré la chanson en démolissant les barrières
en voulant la sentir libre
de toutes attaches et des limites du corps.

Ton dernier soupir était le vers le plus profond,
le cri le plus violent
des vérités cachées qui ne peuvent jamais être dites.

(traduction française d'une chanson de X. Lete)

Episode 1:


Il s'appellait Adur Adoratsu*, ce qui signifie Etoile Intrépide, et sa fiancée Alba Argia, c'est-à-dire Aube Lumineuse.
Ils s'étaient promis l'un à l'autre depuis la prime enfance.
Il était courageux, dur à la peine et au travail, il était pelotari, et gaïtero*, dansait bien, il aimait chasser la palombe chaque automne.

Sa "beauté" était nature, un peu sauvage comme les chèvres de la montagne, elle chantait bien et jouait de plusieurs instruments, elle aimait danser, elle faisait de bonnes études, c'était une intelligence vive.
Tous deux militaient ensemble, leur mariage était imminent.

Pour enterrer sa vie de garçon, ses amis du village l'avaient amené à Pau, il y avait un bon spectacle au Zénith, un groupe rock espagnol, Okploïde.
Ensuite, ils étaient partis en boîte, avaient bu et fumé comme à l'accoutumée, ni plus, ni moins. Enfin, pour se "réveiller" avant de repartir vers la Soule, ils s'étaient trempés dans le Gave en chahutant.

Lorsqu'ils s'étaient appelés l'un, l'autre pour regagner la rive et se sècher, Adur était resté muet, malgré de nombreuses injonctions. Tous l'avaient prié d'arrêter ce jeu stupide, mais Adur ne jouait pas, Adur ne jouerai plus!

Episode2:


Nous étions parvenus Djam et moi, harrassés, sous le soleil de plomb, au village où nous avions prévu de faire étape avant d'entreprendre nos grandes randonnées. Il s'y trouvait une magnifique petite église romane, que nous avions à coeur de photographier enfin sous tous ses angles, piliers et chapiteaux, et en face, une auberge.

L'atmosphère était étrange, lourde, trop de voitures stationnées, des gens graves en costume de drap noir ou brun et chemises à manches longues, blanches. Nous avions déposé nos sacs à dos au minuscule camping envahi d'étroites tentes de rando, et aussitôt, nous étions rendus à l'église pour trouver une fraîcheur apaisante.
Elle était éclairée, et de nombreuses personnes y étaient assises, abîmées dans la prière. On nous avait demandé de ne prendre aucune photo. Nous avions fait une brève visite, et nous étions éclipsés pudiquement. En ressortant, nous étions passés devant une tombe fraîchement ouverte, terre prête à recevoir semence...

"C'est un enterrement, Djam!".
Nous étions entrés dans la bodega pour commander deux limonades bien fraîches, pas de musique, pas de consommateur, deux femmes parlaient à voix basse, en s'épongeant les yeux, elles se racontaient mutuellement le drame. A onze heures précises, un immense cortège pénétra dans le petit cimetière,  "Voilà Alba", dirent les femmes en sanglotant, je pleurais aussi chaudement! Les gens firent la haie, et les porteurs passèrent entre eux jusqu'au porche où ils déposèrent un instant le cercueil d'Adur. C'est alors que retentit, poignant, ce chant de Xabier Lete : Xalbadorren heriotzean, toutes les voix du village, unies pour célébrer leur enfant chéri. Jamais je n'ai pu depuis, entendre ou chanter cette chanson sans penser désormais à Adur et Alba.

Lorsque je revins avec Djam, l'été suivant, je laissai sur le livre d'or de l'église un message de compassion pour la famille d'Adur. Nous n'avons pris aucun cliché à l'intérieur de l'église, mais je me suis recueillie devant la tombe, et je l'ai photograpiée pour me souvenir!

                                                                                                 (Pour S.M)

* les u se pronocent : ou
*joueur de gaïta: instrument à anche

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OKPLOÏDE

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