Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Elguijaronegro
27 septembre 2005

Tita, notre amie

Samedi matin:
Pour la dizième fois je consulte ma boîte à courrier, et toujours rien.
Deux jours avant j'ai reçu un étrange message de mon amie Tita:
"J'ai glissé dans un ravin avec ma bagnole, je ne me sens pas bien, je risque de recommencer..."
Mon Dieu! depuis le temps que j'attends un message d'elle, et le voilà le message!

Elle est secrète Tita et farouche, et pourtant avec son boulot, on ne croirait pas! Pas facile de tenir une auberge à la frontière.
Son homme l'a laissée tomber il y a 8 ans, pas une perte parce qu'il forçait drôlement sur la bouteille, et il devenait violent, d'ailleurs les clients ne pouvaient plus dormir, ils n'entendaient que disputes et cris toute la nuit.
Moi même, j'ai eu l'honneur d'être présente la fois où il a foutu à la porte son propre fils, sans que Tita puisse l'en empêcher! Je tremblais de tous mes membres et priais dans mon lit, le lendemain, j'ai pris une décision perso importante, je suis devenue abstinente volontaire, et n'ai jamais rebu d'alcool depuis! C'était en 88, drôlement longtemps! Leur fiston, lui n'est jamais revenu!

Tita et moi, on correspond la plupart du temps par courrier, parfois par mail, très rarement par téléphone, elle déteste ce média encore plus que moi!
Il lui est arrivé de voler à mon secours quand elle a le moral, qu'Alex, la serveuse peut se débrouiller seule, et que je suis coincée à la maison, sans pouvoir bouger d'un milimètre, elle est vraiment sympa. Mais par contre, lorsqu'elle a un gros problème personnel, n'accepte aucune aide concrête. Elle se ferme et parade devant les clients, fait la morale à Alex, mais à elle, il ne faut rien lui dire ou lui conseiller.

Je suis très inquiète et me demande si ce n'est pas l'épreuve de force cette fois.
J'en ai parlé plusieurs fois à Djam:
"Si on y allait?"
Il m'a dit: "Non ça risque de la braquer, on risque de se faire jeter, c'est pas à côté tu sais, tu n'as pas besoin de ça en ce moment!"
Mais moi en ce qui la concerne, j'ai peur vraiment davantage que d'autre fois où elle était perclue de problèmes. Avec l'âge, on devient plus vulnérable, moins patient.

J'y pense de plus en plus, omnubilée que j'en deviens, ça et un autre copain qui ne donne plus signe de vie! Beaucoup en ce moment en plus du reste...

Tout à coup: miracle, un bruit familier, l'arrivée d'un mail, et c'est Tita! "Je n'en peux plus", je réponds aussitôt: "On arrive ma grande!"
Elle contre maile: "Non, faut pas vous déranger!", je prends mon portable, ni une, ni deux et je lui dis: "Bouge pas on arrive!" Alors je l'entends distinctement entre deux hocquets :"Oui, venez!"

Bon sang! Je suis encore en pyjama, j'ai même pas pris mon petit dèj, je crie à Djam de rassembler de la bouffe, je saute dans la douche, je saisis les premières fringues à portée de main, on se rue dans la voiture, je suis hyper énervée, je conduis vite. J'avale la route. A un moment je double, appels de phares! J'esquive de justesse la voiture que nous allions percuter. Djam m'engueule gentiment "Ca va nous coûter très cher si ça continue!", j'acquiesse "Oui, c'est ma faute, je n'aurais jamais dû prendre le volant!", je m'arrête sur le bas côté et le laisse conduire.

Pendant tout le trajet je pense: "Pourvu qu'on n'arrive pas trop tard! Pourvu!" Je ne jouis même pas de la beauté sauvage du paysage montagnard, des couleurs fauves qui commencent à empourprer les frondaisons.

Enfin on y est, pas de chance, biathlon ou un truc comme ça, il faut rouler au pas et ronger son frein!
Garer est presque impossible, on est obligé d'aller à l'autre bout du village, et de remonter en courant, j'en pleure.

Tita nous attend, on voit qu'elle a tamponné ses yeux verts pendant des heures.Du rouge à la place du blanc, impressionant!
Elle tente de me sourire et de paraître forte. Moi j'ai écrasé mes dernières larmes en frottant mes pieds sur son paillasson! On se serre longuement dans les bras l'une de l'autre, sans mot dire.

Je sais que Djam est de trop, je lui demande gentiment d'aller se promener pendant un bon moment.

Je nous fais de la place sur son canapé, et je m'asseois auprès d'elle. Elle commence d'elle même à me parler de toutes ses épreuves endurées au fil des années et en particulier ces derniers mois.
Elle pleure, moi également, elle me montre des lettres, des photos, elle se confie pour la première fois  à une amie. Je l'écoute, je lui réponds lorsque je le peux. Elle se calme, s'apaise. Parfois nous tentons de sourire, mais un mot de trop déclanche à nouveau les sanglots, et des mots implacables, presque définitifs...
Djam reparait, on revient sur certains propos, il nous est précieux d'avoir le point de vue d'un homme. Deux heures que nous parlons,  la faim nous tenaille!
Avec les étranges denrées dépareillées que nous avons réunies, nous parvenons à composer un repas digne de ce nom, que nous dévorons, non, que je dévore surtout, car Tita mange comme un petit oiseau. Mais elle sourit, son regard s'éclaire. Je lui offre avant de repartir un cadeau que j'avais en réserve pour elle depuis fin août, et qui risque de lui être bien utile en ces temps de peine, de souffrance et de doute.
Elle nous remercie, et nous embrasse tous les deux comme du bon pain, contente de s'être confiée, d'avoir accepté de l'aide, c'est une grande "première"!
Oui, être reliés, accepter de parler, de donner parole et de recevoir parole! Se laisser recréer par la parole, la sienne, celle d'autrui, par le regard, par la tendresse échangée, par l'absence de jugements, par la confiance donnée. -"Parle avec elle!"-

J'ai bien failli avoir une crise à l'auberge! Je me répétais: "Non pas ça! pas ça en plus! tenir, tenir jusqu'au bout, après je m'en moque, je pourrai m'écrouler"
En fait c'est bien ce qui est arrivé, je me suis écroulée, juste après!

Mais je suis heureuse d'avoir pu rendre ce service, même si ça m'a épuisée, même si je ne suis pas encore complètement remise, même si depuis nous avons dû affronter d'autres graves nouvelles, prendre d'autres décisions.

Lundi soir:
Du coup en repensant à toute l'aventure, je viens d'écrire à Maider et je lui ai envoyé quelques photos de nous. Pour continuer à être "reliés" quoi qu'il arrive.

"Nous savons que tu es courageuse. Nous pensons tendrement à toi"
J'espère que ça lui fera autant de bien qu'à moi lorsque l'un d'entre vous me fait un petit signe à sa façon.

Tita m'a rappelée, au téléphone, plusieurs fois, pour nous remercier, encore et encore.

Une joie pour nous, un oasis au milieu de difficultés et peines inéluctables récentes et actuelles: accidents, maladies, vies arrachées, vies en danger. Tenir, tenir, espérer, sourire, aider. Aujourd'hui, demain, encore. Etre là.

Publicité
Commentaires
J
Et l'un des moindres maux Nora!<br /> <br /> Oui, Sylvie, vous êtes d'une autre couleur que moi!<br /> <br /> MOI, JE SUIS VERTE COMME UNE PARTIE DU DRAPEAU ALGERIEN§!<br /> et puis rouge comme le sang<br /> et puis bleue comme la mer<br /> et puis jaune comme le sable<br /> et puis noire comme mon petit galet!<br /> <br /> Et puis chrétienne mais pas évangélique donc une autre sensibilité.<br /> <br /> Merci Sylvie d'être passée et d'avoir fait connaissance avec mon blog!<br /> <br /> Merci à ceux qui ont compassion et amitié.<br /> <br /> Oui, la vie n'épargne personne, et je sais que nous ne sommes pas seuls. En ce moment ça se précipite un peu. Heureusement j'ai eu un été plus calme! pourv me reposer et voir autre chose que mes 4 murs de bureau et les toubibs! Et puis j'ai de bons copains, non? pas vrai?<br /> alors vive la Vie!
N
hum... un des plus BEAUX MOTS ;-)))))))
N
Heureux celui (celle) qui a des amis sur qui il peut se reposer.<br /> <br /> Heureux celui qui ouvre sa porte et son coeur à un ami dans la peine.<br /> <br /> Heureux celui accueille avec un sourire, sans rien attendre en retour.<br /> <br /> Amitié, un des plus beau mot de notre langue !<br /> <br /> Je t'embrasse Tg !
S
salut c moi, je visite ton site !<br /> il est riche en émotion.<br /> j'ai remarqué qu'alberto et moi nous sommes d'une autre couleur :-)<br /> tu sais je sais pas si tu crois, moi je crois que oui, tiens bon dans les moments difficile, la vie n'éppargne personne, mais Dieu est vaincoeur, il est la puissance contre l'ennemi, et son armée nous entoure .<br /> ne crains rien .
Publicité