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Elguijaronegro
1 septembre 2006

Dossiers LIBAN

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Depuis la fin de la guerre civile (1975-1989), le Liban se reconstruisait difficilement et avait tourné la page de la guerre.

Depuis juillet 2000, Israël avait mis fin à son occupation dans le Sud.
L'an dernier, le « Printemps » de mars 2005, laissait entrevoir tous les espoirs :
• la fin de la présence syrienne (prévue par les accords de paix de 1989)
• l'avénement d'une nouvelle génération, moins marquée par le confessionnalisme que la génération précédente
• l'essor d'une société civile dynamique, tournée vers la démocratie.

Le Liban semblait en avoir fini avec les décennies de cauchemar et aspirait à consolider la paix.

Tout n'était réglé pour autant.
• Les élections de l'été 2005 ont en partie déçu les espoirs du « printemps » de mars et le confessionnalisme qui fragmente la scène politique, l'influence de la Syrie pèsent encore sur la vie du pays.
• Le Hezbollah, reconnu par l'ensemble de la communauté nationale, pour son rôle dans la résistance contre l'occupation, est resté maître du Sud et a conservé sa capacité militaire.
La résolution 1559 des Nations unies qui exige entre autres son désarmement n'était pas appliquée sur ce point. Mais le gouvernement libanais estimait avoir besoin de temps pour créer les conditions politiques favorables à une normalisation progressive de la place du Hezbollah sur l'échiquier politique libanais.
• L'armée israélienne tenait encore une position militaire à l'intérieur du territoire libanais (le hameau de Chebaa, considéré par l'ONU comme territoire syrien).
• La Syrie a conservé, même après son retrait de juillet 2005, des relais pour exercer son influence (notamment via le Hezbollah).
• Il faut ajouter qu'à l'intérieur des camps de réfugiés, 1,5 millions de Palestiniens sont confinés dans des conditions de vie misérables, marginalisés économiquement et sans perspective politique compte tenu de l'absence de règlement du conflit israélo-palestinien. Autant de conditions propices à une radicalisation.

Par son offensive de l'été 2006, Israël entendait écarter le danger que représente la présence à ses frontières d'un mouvement armé hostile Les destructions ont néanmoins essentiellement pénalisé l'économie libanaise, ramenée 20 ans en arrière, sans pour autant parvenir à éradiquer la capacité militaire du Hezbollah.

Le Liban, s'est vu brutalement détourné du chemin de paix et de renouveau sur lequel il était engagé.
Le Liban tentait de redevenir un pays ouvert, qui assume dans la paix son pluralisme confessionnel, où la coexistence entre personnes de religions et de cultures différente est possible, où la démocratie et la liberté d'expression peuvent s'épanouir. C'est aussi cela qu'il faut reconstruire et préserver.



1er septembre 2006

Bilans des actions de solidarité du Mouvement social pendant la guerre du 12 juillet au 25 août 2006.

Le Mouvement social dresse un bilan de ses actions auprès des déplacés pendant les semaines de bombardements israéliens sur le Liban durant l'été 2006 et analyse les différents enjeux, notamment pour la phase d'après-guerre

Mouvement social
Intervention sociale communautaire et participative
Guerre sur le Liban
12 juillet / 25Aout 2006

1. Introduction Générale :
Midi 12 juillet 2006, bombardement du pont de Damour liant Beyrouth au sud ainsi qu'au mont Liban. Personne n'a cru que c'était le début d'une guerre violente, folle et furieuse
contre le Liban. Une offensive israélienne sanglante qui a engendré une réelle crise
humanitaire et économique.
Au début c'était le désarroi le plus total, des déplacés, des morts et des blessés, des
familles entières massacrées, des villages complètement rasées ou totalement isolés ,une
pénurie de produits de base et une flambée des prix…
Le pays souffrait d'un blocus total étouffant, alors que la communauté internationale
restait inerte et les décideurs arabes et internationaux faisaient preuve d'une grande
lâcheté, aucun appel pour le cessez-le-feu (arrêt de l'offensive), aucun appel pour le
respect des droits de l'homme, et de la vie civile.
Les déplacés qui ont réussi à sauver leur vie se sont pressés aux portes des écoles
publiques et des centres de rassemblement, espérant y trouver refuge. Ils ont souvent tout
quitté en hâte, laissant derrière eux tous leurs effets personnels et parfois même un être
cher.

Jour après jour, la violence de la guerre s'aggravait, les habitants du Sud du Liban et de la
banlieue sud de Beyrouth se déplaçaient vers le nord dans des régions qu'ils croyaient
plus paisibles.
Toutes les villes libanaises ont ouvert leurs portes à l'accueil des déplacés dont la
migration s'est accrue quotidiennement. Les écoles publiques, les lieux de rassemblement
et les jardins publiques sont devenus surchargés et même sursaturés par les déplacés
entassés dans des salles de classes, des cellules ou dans des tentes non équipées.
Beaucoup de déplacés qui ont cru avoir un peu de la chance se sont réfugiés chez des
proches à eux. Mais leurs ressources financières limités et la priorité donnée par les
impliqués dans l'action d'urgence leur ont écrasée toute chance de privauté demandée et a
poussé la plupart d'entre eux à quitter la maison hôte pour rejoindre les autres.

Dans cette situation de crise, l'absence d'un plan d'urgence gouvernemental a poussé
tous les membres de la société civile à travailler au début en hâte, puis peu à peu un
travail de coordination s'est mis en place, ce qui était nécessaire et essentiel pour éviter
toute duplication pouvant retarder et nuire à l'action d'urgence.

2. Intervention du Mouvement social et Principes généraux du travail :
Dans une situation assez précaire et délicate, le Mouvement Social a suspendu ses
projets de développement et s'est engagé dès le premier jour de l'attaque dans l'aide
d'urgence auprès des déplacés.
Il a opéré sur un large spectre d'action joignant entre coordination, assurer des besoins de
bases et mobilisation contre le bafouement de toutes les valeurs humaines, outre toutes
les activités pouvant dériver quotidiennement à la crise.
a. La coordination
L'importance de la coordination avec tous les acteurs de la société civile et du
gouvernement réside dans la consolidation de toute action et dans l'union des efforts afin
d'accomplir un travail plus efficace.

ONGs et réseaux de la société civile locale :
En l'absence d'un plan d'urgence gouvernemental, le MSL s'est adressé dès les premiers
jours à ses partenaires locaux dont le collectif des ONGs pour:
- Assurer une répartition équitable des aides entre les différents lieux de
rassemblement.
- Éviter la duplication dans le travail et pour assurer la grande couverture
géographique possible
- Identifier, collecter et distribuer les besoins quotidiens manquants des déplacés
dans les écoles et les centres de rassemblements

La plupart des ONGs et des acteurs sociaux se sont unis pendant la guerre dans des
réseaux locaux dans le but de pouvoir bien gérer l'action notons:
CCR (civil campaign for relief), Lilhayat (pour la vie), Samidoun (résistants)…
D'autre part les amis, les volontaires et les partenaires du MSL se sont hâtés dans la
mesure du possible à s’engager comme ils le voulaient auprès des déplacés: par un
soutien financier, une aide dans les centres de rassemblement, des messages de
solidarité...

Ministères et comités gouvernementaux:
Le Mouvement Social qui insistait toujours sur l'importance du dialogue et de
l'implication des différentes autorités et institutions pour faire face aux problèmes sociaux
s'est dès les premiers jours de l'offensive adressé aux ministères (le ministère de la santé
et le ministère des affaires sociales) pour jouer un rôle principal dans l'action d'urgence,
et surtout mettre en place un plan national réunificateur. En premier, le MSL assistait à
toutes les réunions de coordination, avait une présence permanente dans la salle
d'opérations créée dans le ministère des affaires sociales et a coordonné plus tard le
travail avec les municipalités et les ONGs qui travaillent sur le terrain pour assurer
surtout les besoins des déplacés dans différentes régions du territoire libanais.
Sauf qu'il reste à rappeler que le gouvernement n'a pas pu tout au long de la crise de
mettre un plan clair pour son action.

Partenaires et amis internationaux:
L'action du Mouvement Social n'était pas limitée à l'action locale, elle l'a dépassée à
l'appel de tous ses partenaires internationaux (Partage – CCFD– Christian Aid – Oxfam-
….) qui de leur coté exprimaient leur soutien et leurs désarroi à l'égard de ce qui se
passait au Liban.
Le soutien de nos partenaires et amis à l'étranger durant et après la crise s'est traduit à
plusieurs niveaux:
- Soutien financier pour répondre aux besoins des déplacés identifiés par l'équipe
de travail du MSL qui ne tardaient pas à exprimer à chaque fois leur engagement
auprès des plus défavorisés.
- Pression auprès de leurs sociétés civiles et de leurs gouvernements par plusieurs
moyens (appel de dons et mobilisation médiatique) pour mettre terme à la guerre
sanglante.
- Contribution en nature de certains produits;Le Mouvement Social avait le souci
de ne pas acheter des kits qui pouvaient être livrés par d'autres ongs;notons qu'une
collaboration a été faite auprès de :

a. L'UNDP pour assurer des bouteilles d'eau potable
b. NPA (Norvegian people aid) pour assurer les matelas et certains kits
hygiéniques
c. Relief International pour assurer des kits hygiéniques (autres que ceux
fournis par NPA).
- L'action du Mouvement Social était un centre d'intérêt et référence pour plusieurs
associations, ou organisations internationales, auquel elles ont eu recours pour une
acquisition d'une vision claire de la méthode d'organisation et du déroulement de
l'action dans différentes régions. A ce titre, UNHCR a demandé au Mouvement
Social d'organiser un workshop pour un échange d'expérience avec tous les
membres de la société civile travaillant sur le terrain.
b. Lieux d'intervention
Quelques jours après le premier bombardement, la gravité de la crise s'accroît était déjà
claire, des séquelles humanitaires augmentaient et les secouristes avaient du mal à
atteindre les régions sinistrées, le Mouvement social élargissait de jour au jour son action
pour atteindre le plus grand nombre de régions et répondre par suite avec les moyens qui
lui sont donnés aux besoins des déplacés.
Avec l'augmentation continuelle du nombre des déplacés, le Mouvement Social arrivait à
agir, vers la fin de la guerre, auprès de 10.000 déplacés qui se répartissaient entre des
lieux de rassemblement, chez des proches ou chez des habitants qui les ont accueillis
chez eux et ceci dans les régions de Tripoli, Akkar, Zahlé, Beit-Mery, Saida, Beyrouth, et
la banlieue de Beyrouth (Voir le tableau ci-joint).
c. Organisation interne
La guerre imprévue, nous a noyés comme tous les libanais dans une ambiguïté voilant
totalement les prévoyances d'une fin ou d'une continuité de la l'attaque.
La situation nous a porté à une mise à jour continuelle de notre plan d'action qui devait
être revue constamment vu la succession d'événements parfois imprévus qui avait lieu;
Suite à l'offensive israélienne qui attaquait chaque jour de nouvelles régions et obligeait
plus d'habitants d'évacuer leurs quartiers et se déplacer vers d'autres plus sereins et plus
paisibles.
Deux semaines après le début de la guerre les comités et les ONGs internationales
commençaient à s'orienter vers le Liban indiquant ainsi la continuité évidente de la guerre
déclarée : " Guerre de juillet ". Dans ce contexte, l'équipe du Mouvement Social tâchait à
trouver une nouvelle stratégie de travail.
Suivant les nécessités et les besoins déjà identifiés, employés et volontaires se sont
organisés en plusieurs équipes comme suit :
- Six équipes qui assurent la permanence, l'organisation interne et
l'approvisionnement en aide dans une école à Beyrouth, 7 lieux de rassemblement
à Tripoli, 4 à Saida, 2 au Akkar ,1 à Beit Mery et 1 à Zahlé.
- Une équipe chargée du recensement des besoins de 11 écoles, lieux de
rassemblement et familles dans des appartements à Beyrouth
- Une équipe pour l'achat et le stockage des aides au siège du Mouvement Social à
Badaro
- Une équipe pour la redistribution et l'acheminement des aides vers les lieux de
rassemblement à Beyrouth
- Une équipe chargée des animations et des activités
- Une équipe pour la coordination interne et externe
d. Nature de l'intervention
Plusieurs facteurs ont aidé le Mouvement social à mener une action d'urgence efficace
répondant consciencieusement aux besoins des déplacés.
L'expérience requise pendant les guerres antécédentes et le travail sur le terrain lui ont
permis de bien déterminer les axes de son intervention, celle-ci malgré la crise, a toujours
été alimenté par une approche de développement, une approche montrant l'importance de
faire participer les déplacés dans le travail quotidien d'organisation et d'exécution, pour
qu'il puissent eux-mêmes s'exprimer sur leurs besoins.
- Alimentation:
Quelques jours après le début de la guerre, le majeur problème était celui de
l'alimentation ; les prix flambaient et la petite somme d'argent que les déplacés ont réussi
à emporter avec eux ne leur suffisait plus pour survivre. Le Mouvement Social cherchait
ainsi une alternative pouvant procurer aux déplacés une alimentation d'une part saine et
équilibrée et d'autre part plus économique et réalisable. C'était celle de cuisines
permanentes dans les lieux de rassemblement. Avec la coordination de différentes ONGs
sur le terrain, l'équipe du MSL a réussi à mettre en place 14 cuisines (équipements,
ustensiles et gaz combustible) auxquelles elle assurait quotidiennement les produits
alimentaires et autres (légumes et fruits, denrées).
- Produits de première nécessité et Médicaments :
Le MSL était très conscient de tous les besoins pouvant surmontes dans les jours
suivants. L'inquiétude sur la situation sanitaire des déplacés était vachement claire : le
travail à ce niveau à a joint plusieurs volets :
- Assurer les produits hygiéniques et sanitaires multiples aux les lieux de
rassemblement (détergents, couches pour enfants et vieux, serviettes, serviettes
hygiéniques…)
- Essayer d'assurer à chaque famille des draps et des couvertures pour éviter les
maladies
- Assurer en collaboration avec le ministère de la santé, la croix rouge, l'Ambassade
de France et une pharmacie à Beyrouth (en cas de carence), les médicaments
prescrits aux déplacés, après consultations médicales
- Assurer une cure contre les poux et la peste
- Collaborer avec la défense civile pour assurer l'eau aux lieux de rassemblement
- Activités auprès des enfants :
L'intervention auprès des enfants a été depuis le début une priorité pour le Mouvement
social n'était pas un pas tardif à être pris.
Etant les plus sensibles aux conséquences de la guerre et des massacres qu'ils ont vécus,
il était essentiel de leur procurer un espace d'expression et d'animation pour qu'ils
puissent extérioriser leurs peurs et leurs envies, un espace de divertissement pouvant les
retirer de l'ambiance étouffante de la guerre.
Au début, c'était la spontanéité qui oriente l'action, une équipe de volontaires au
Mouvement Social organisait des séances de rassemblement pour faire connaissance avec
les enfants, entamer des discours avec eux et à leur demande effectuer des activités qui
leur plaisaient.
Une semaine plus tard l'animation dans les écoles a pris une autre image, elle suivait un
plan d'action bien déterminé joignant entre : dessin, projection des films, jeux, travaux
manuels et également des soirées de chants et de musique.
e. L'arrêt de l'offensive et la perspective du MSL
La grande question qui se posait avant même l'arrêt de la guerre: que sera le sort des
déplacés une fois que les hostilités prendront fin, et que le recensement des dégâts sera
fait?
Un grand nombre de familles n'a plus de logement et pour d'autres leurs maisons ont
été gravement endommagées.
Quelques minutes après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu (arrêt de l'offensive), toutes
les familles ont quitté les lieux de rassemblement pour retrouver leurs maisons et leurs
quartiers et ont réalisé la gravité des répercussions des bombardements dans les quartiers
de la banlieue sud, du sud Liban et de la Bekaa (destruction, pas d'eau, pas d'électricité,
une pollution étouffante…).

Les premières statistiques montraient la gravité de la catastrophe humanitaire,
économique et environnementale qui s'étendaient également sur tout le territoire libanais,
il parait très clair que l'intervention des différentes composantes de la société civile ne
suffira pas. Il est nécessaire plus qu'avant d'avoir un plan national fédérateur de
reconstruction, la grande question qui se pose actuellement, retomberons-nous dans
l'après guerre de 1975, corruption et détournement de fonds?
Les chefs des petites entreprises et les agriculteurs se trouvent sans travail, les employés
des usines rasées à terre le sont aussi. Les enfants souffrent d'un malaise psychologique,
il leur est difficile de retrouver un semblant de vie. Ceux dont l'école a été détruite
n'auront pas droit à une rentrée scolaire habituelle.
Le Mouvement Social, de son coté, continue son action pour permettre aux plus
défavorisés d'avoir accès à leurs droits. Il recentrera - après l'urgence - son intervention
dans le développement. Il agira pour donner à ces femmes, hommes et enfants les moyens
de se reconstruire socialement, économiquement et psychologiquement.

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21 et 31 juillet, des appels

21 juillet 2006

Le CCFD lance un appel à la solidarité avec les populations du Liban et demande l’arrêt de l’escalade militaire

Plusieurs partenaires du CCFD au Liban, dont le Mouvement social libanais (MSL), sont pleinement mobilisés pour venir en aide aux victimes des bombardements et aux populations réfugiées. Face à l’ampleur des besoins, le CCFD lance un appel à la générosité publique afin de renforcer leur action. Il a d’ores et déjà avancé des sommes en urgence.

Les partenaires du CCFD doivent subvenir aux besoins essentiels des déplacés dont le chiffre dépasse un demi-million de personnes :
- évacuation des familles isolées dans les villages bombardés,
- hébergement,
- aide alimentaire et approvisionnement en eau potable,
- soins de première urgence,
- soutien psychologique…

Cette guerre anéantit 15 ans d’efforts de reconstruction d’un pays ravagé par une vingtaine d’années de conflit. Le CCFD relaie l’appel de ses partenaires pour demander l’arrêt des opérations de guerre qui touchent essentiellement les populations civiles et les infrastructures nécessaires à l’économie du pays ainsi que l’arrêt du blocus imposé au Liban.

Le CCFD appelle également à l’arrêt des attaques du Hezbollah visant la population israélienne.

Pour le CCFD, le règlement des conflits au Proche-Orient doit passer par la mise en œuvre d’une voie négociée par la Communauté internationale sur la base de l’application des résolutions des Nations unies (1559, 242 et 338).

Sortir de la violence, de la peur et de la haine

31 juillet 2006

« Recourir à la violence pour obtenir la sécurité et la paix est une illusion et une grave erreur. La guerre n’ajoute que la violence à la violence. Depuis le début de la crise à Gaza et au Liban on compte déjà les morts par centaines, les blessés par milliers, les déplacés par centaines de milliers. À ce bilan tragique, dont les civils sont les principales victimes, il faut ajouter la rancœur qu’éprouvent les millions de personnes plongées dans les affres de la guerre. Et le germe de la haine déposé dans le cœur des combattants de demain… »

Le CCFD, le Secours Catholique-Caritas France, la Cimade, l'Acat, Justice et Paix France, Pax Christi, le Mouvement internationale pour la Réconciliation ont lancé un appel.

source
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Le 5 août 2006
Elie Maroun, Liban
Le Liban meurtri (Extrait)

[...]
En pleins combats et négociations, on observe en ce moment même que les conditions d'un « conflit durable » ou au moins d'une mèche pour un futur départ de feu sont en train de s'installer :
-  Les Américains ne veulent pas traiter la question des fermes de Chebaa en préconisant de régler le problème, non pas avec l'occupant Israélien, mais avec l' (ex)tuteur syrien !
-  Les Israéliens affirment avoir le droit d'intervenir au Liban même après l'installation d'une force internationale.
-  L'armée israélienne affiche enfin un objectif clair : occuper de nouveau le Liban-Sud jusqu'au fleuve Litani... en attendant l'arrivée d'une force internationale ! Quel heureux hasard géographique, ce fleuve qui se trouve à distance inégale de la frontière (entre 5 et 20 Km) constituerait pour Israël une ligne de sécurité militaire, sachant que les missiles du Hezbollah peuvent atteindre 150 Km !... Il ne s'agirait pas plutôt d'une sécurité « fluviale » pour lui ?
Voici peut-être quelques causes pour de prochaines guerres locale, régionale voire mondiale ou, au minimum, une prolongation du conflit de par le nouvel élément d'occupation d'une nouvelle terre libanaise ; car toute occupation entraîne logiquement une résistance.
En attendant, plus de victimes libanaises mais israéliennes aussi, plus de destructions d'infrastructures vitales au Liban, plus de colère se transformant de plus en plus en haine et surtout de moins en moins d'espoir de Paix dans cette région.

Elie Maroun est libanais.
Partenaire du CCFD il dirige l’association Les Cités - Interrives

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Sabah Badreddine - Liban

Unir la société autour de la reconstruction
Beyrouth, 13 seprembre 2006

La situation libanaise ne peut se comprendre sans apposer des grilles de lecture régionale et internationale. L’explication tient - beaucoup l’ont relevé - au caractère multicommunautaire de la société libanaise. Le Liban est morcelé en 17 communautés embourbées dans des rapports de forces et de rivalités. Aussi, pour gagner en autorité et en force, chacune cherche à tisser des alliances à l’étranger. Ces alliances se renouvellent, se lient et se délient, ce qui complique la l’analyse. Aujourd’hui, les uns font appel à l’Iran et à la Syrie alors que d’autres se tournent vers les Etats-Unis ou la Grande Bretagne. Ces alliances injectent aujourd’hui, comme dans le passé, des intérêts régionaux et internationaux dans la vie politique et économique libanaise, en même temps qu’elles régionalisent et internationalisent les conflits internes libanais. La guerre qui vient de ravager le Liban a donné l’occasion à ces forces centrifuges de se déployer.

Attiser les conflits internes
Le facteur communautaire interne s’est en effet détaché en toile de fond du conflit transfrontalier entre Israel et le Hezbollah. L’histoire la plus récente du Liban a ainsi amenée beaucoup à craindre que ce conflit transfrontalier ne conduise à un conflit interne. Les tracts que l’aviation israélienne faisait pleuvoir sur les quartiers chrétiens cherchaient précisément à attiser ces factions communautaires pour muer le conflit transfrontalier en conflit interne ou du moins, pour greffer l’un sur l’autre. Si la guerre s’était prolongée dans la durée, je ne suis pas certaine que les libanais seraient restés soudés et que, tiraillée par des forces étrangères, chaque communauté ne se serait pas retournée contre la communauté voisine pour nous faire sombrer à nouveau dans la guerre civile.
Il ne s’agit pas pour moi de rejeter la responsabilité des conflits libanais sur les tiers étrangers. Les Libanais et l’Etat libanais en particulier doivent prendre la mesure de leur responsabilité. La force du Hezbollah qualifiée par certains journalistes étrangers « d’Etat dans l’Etat », tient précisément aux carences de cet Etat libanais. Mon travail au sein du Mouvement social ne me permet de mesurer que les manquements de l’Etat dans le domaine social. D’autres vous diront quelles sont ces carences par ailleurs. Il reste que les Libanais n’opéreraient pas ce repli spasmodique vers leurs communautés et leurs chefs religieux si l’Etat libanais pouvait garantir leur sécurité mais aussi rendre tous les services sociaux et prendre les initiatives économiques qui incombent à l’Etat moderne.

Le rôle de l'État libanais
Depuis le cessez le feu, avec chaque jour qui passe, l’Etat libanais manque une chance inespérée de s’affirmer dans le rôle qui doit être le sien. La reconstruction est un chantier public que l’Etat doit diriger au nom de tous les libanais et avec la participation de tous. Or, l’Etat s’en désiste alors que les leaderships communautaires s’affirment.
Le Hezbollah distribue ainsi une aide en argent aux familles dont le logement a été détruit. Les médias en ont d’ailleurs abondement rendu compte. Or, l’allocation d’aides au logement devrait relever de l’initiative de l’Etat.
Plus encore, au lieu de soutenir et de prendre appui sur la société civile, le fonctionnement de l’Etat en paralyse aujourd’hui les initiatives : c’est ainsi que les formalités administratives imposées par le Ministères des affaires sociales aux associations chargées de distribuer des aides aux réfugiés, ont compliqué et accru le coût de la mise en oeuvre de nos actions d’urgence. Aussi, la distribution de cargos de produits de première nécessité offerts par la France aux familles déplacées, n’a pu être entreprise par le Mouvement social, qu’après l’accomplissement de lourdes formalités (avec les retards que cela emporte) et après que nous nous soyons engagés à verser des droits de douanes !

Reconstruire avec les citoyens
Quant à la levée de l’embargo, il s’agit certes d’un élément positif. Toutefois, le redressement économique ne se suffit pas du libre échange. Des dommages considérables sont enregistrés dans le Sud, la Bekaa et le Nord. Or ces régions intensément bombardées étaient déjà parmi les plus pauvres. Elles étaient aussi les oubliées de l’Etat libanais et des efforts de reconstruction de la « première guerre ». Par des actions locales, il est indispensable de soutenir le rétablissement de petits agriculteurs et commerçants qui ont perdu leur outil de travail.
Pour prévenir leur migration massive vers les banlieues déjà pauvres et surpeuplées des grands centres urbains, il est tout aussi nécessaire de cultiver leur sentiment d’appartenance, appartenance à leur région mais aussi à l’Etat- nation : si la zone limitrophe à la frontière israélienne doit être désarmée, elle ne doit pas être désertée. Là bas comme ailleurs au Liban, il faut engager la participation de chaque citoyen et reconstruire des écoles, des hôpitaux, des jardins et des bâtiments publics.
Aussitôt après le cessez-le-feu, les familles que le Mouvement Social avait accueilies dans des écoles publiques ont tenté de regagner leurs foyers. Il appartient à l’Etat d’assurer aujourd’hui leur sécurité. Nous devons quant à nous, acteurs de la société civile, non plus distribuer des aides comme en temps de guerre, mais appuyer des actions pour un développement local et durable.

Sabah Badreddine
Directrice du Mouvement social

source

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L'objectif réel de la guerre au Liban
15 juillet 2006
Uri Avnery, journaliste et militant de la paix, compare les opération israéliennes au Liban de 1982 et de 2006

Moins de trois mois après sa formation, le gouvernement Olmert-Peretz a réussi à plonger Israël dans une guerre sur deux fronts, dont les buts sont irréalistes et dont on ne peut prévoir les résultats.
L’OBJECTIF RÉEL est de changer le régime au Liban et d’y installer un gouvernement fantoche.

C’était l’objectif de l’invasion du Liban par Ariel Sharon en 1982. Ce fut un échec. Mais Sharon et ses disciples à la direction militaire et politique n’y ont en fait jamais renoncé.

Comme en 1982, l’opération actuelle a été planifiée et elle est menée en totale coordination avec les Etats-Unis.

Comme alors, il ne fait aucun doute qu’elle est coordonnée avec une partie de l’élite libanaise.

Voilà pour l’essentiel. Tout le reste n’est que bruit et propagande.

Une provocation claire
À la veille de l’invasion de 1982, le Secrétaire d’Etat, Alexander Haig, avait dit à Ariel Sharon que pour lancer l’invasion, il faudrait qu’il y ait une provocation claire qui la ferait accepter par l’opinion mondiale.

La provocation a bien eu lieu - exactement au moment voulu - quand le groupe terroriste d’Abou Nidal a essayé d’assassiner l’ambassadeur israélien à Londres. Elle n’avait aucun rapport avec le Liban, et encore moins avec l’OLP (l’ennemi d’Abou Nidal), mais elle a servi de prétexte au projet.

Cette fois-ci, la provocation nécessaire a été fournie par la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah. Tout le monde sait qu’ils ne pourront être libérés que dans le cadre d’un échange de prisonniers. Mais l’énorme campagne militaire qui était prête depuis des mois a été vendue à l’opinion publique israélienne et internationale comme une opération de secours.

(Assez curieusement, exactement la même chose s’était passée deux semaines auparavant dans la bande de Gaza. Le Hamas et ses partenaires avaient capturé un soldat, ce qui a servi d’excuse à une opération massive qui avait été préparée de longue date et dont le but est de détruire le gouvernement palestinien.)

Un mensonge délibéré
Le but affiché de l’opération libanaise est de repousser le Hezbollah loin de la frontière, de telle façon qu’il lui soit impossible de capturer d’autres soldats et de lancer des roquettes sur des villes israéliennes. L’invasion de la bande de Gaza a aussi officiellement pour but de mettre Ashkelon et Sderot hors de portée des Qassam.

Ces opérations ressemblent à celle de 1982 « Paix en Galilée ». On a alors dit à l’opinion publique et à la Knesset que le but de la guerre était de « repousser les katyushas à 40 kilomètres de la frontière ».

C’était un mensonge délibéré. Au cours des onze mois précédents, pas une seule fusée katyusha (ni un seul tir) n’avait été lancée par dessus la frontière. Dès le début, le but de l’opération était d’atteindre Beyrouth et d’y installer un Quisling local. Comme je l’ai raconté plus d’une fois, Sharon lui-même me l’a dit neuf mois avant la guerre, et je l’ai dûment publié à l’époque, avec son consentement (mais sans le citer).

Bien sûr, l’opération actuelle a aussi quelques objectifs secondaires, qui n’incluent pas la libération des prisonniers. Tout le monde comprend que celle-ci ne peut pas être obtenue par des moyens militaires. Mais il est probablement possible de détruire quelques uns des milliers de missiles que le Hezbollah a accumulés au cours des années. A cette fin, les chefs de l’armée sont prêts à exposer la vie des habitants des villes israéliennes qui sont à portée des roquettes. Ils croient que cela en vaut la peine comme s’il s’agissait de pions sur un échiquier.

Un autre objectif secondaire est de réhabiliter le « pouvoir dissuasif » de l’armée. Cette expression est un mot de code pour parler de la restauration de l’orgueil blessé de l’armée, qui a reçu un rude coup après les actions militaires audacieuses du Hamas au sud et du Hezbollah au nord.

Le tissu délicat de communautés ethnico-religieuses
Officielement, le gouvernement israélien demande que le gouvernement du Liban désarme le Hezbollah et l’éloigne de la région frontalière.

Cette exigence est totalement irréalisable sous le régime libanais actuel, un tissu délicat de communautés ethnico-religieuses. Le moindre choc peut démolir toute la structure et jeter l’Etat dans une totale anarchie - surtout depuis que les Américains ont réussi à en chasser l’armée syrienne, seul élément qui a, pendant des années, apporté une sorte de stabilité.

L’idée d’installer un Quisling au Liban n’est pas nouvelle. En 1955, David Ben Gourion avait proposé de prendre un « officier chrétien » et de l’installer comme dictateur. Moshe Sharet avait montré que cette idée était basée sur une totale ignorance des affaires libanaises et l’avait torpillée. Mais, 27 ans plus tard, Ariel Sharon a essayé néanmoins de la réaliser. Bashir Gemayel a donc été installé comme Président, pour être assassiné peu après. Son frère, Amin, lui a succédé et a signé un accord de paix avec Israël, mais il a été chassé du pouvoir. (Le même frère soutient aujourd’hui publiquement l’opération israélienne.)

L’idée aujourd’hui est que si les forces aériennes israéliennes envoient assez de bombes sur la population libanaise - paralysant les ports et les aéroports, détruisant l’infrastructure, bombardant des quartiers résidentiels, coupant l’autoroute Beyrouth-Damas, etc. - les gens seront furieux contre le Hezbollah et feront pression sur le gouvernement libanais pour qu’il réponde aux exigences d’Israël. Etant donné que le gouvernement actuel ne peut même pas envisager cela, une dictature sera installée avec le soutien d’Israël.

Contradictions américaines
C’est la logique militaire. J’ai quelques doutes. On peut supposer que la plupart des Libanais réagiront comme tout autre peuple sur terre : avec fureur et haine envers l’envahisseur. C’est ce qui s’est passé en 1982, quand les Chiites dans le sud du Liban, jusqu’alors dociles comme des agneaux, se sont soulevés contre les occupants israéliens et ont créé le Hezbollah qui est devenue la principale force du pays. Si maintenant l’élite libanaise est soupçonnée de collaboration avec Israël, elle sera balayée. (A ce propos, les Qassams et les katyushas ont-elles incité la population israélienne à exercer des pressions sur notre gouvernement pour qu’il abandonne ? Au contraire.)

La politique américaine est pleine de contradictions. Le Président Bush veut un « changement de régime » au Moyen-Orient, mais l’actuel régime libanais n’a été que récemment installé sous la pression américaine. Pendant ce temps, Bush n’a réussi qu’à briser l’Irak et à causer une guerre civile (comme prévu ici). Il peut obtenir la même chose au Liban, s’il n’arrête pas l’armée israélienne à temps. En outre, un coup dévastateur contre le Hezbollah peut soulever la fureur, non seulement en Iran, mais également parmi les Chiites d’Irak, sur le soutien desquels reposent tous les plans de Bush pour un régime pro-américain.

Le Hezbollah espère augmenter sa popularité
Alors quelle est la réponse ? Ce n’est pas un hasard si le Hezbollah a réalisé son opération d’enlèvement de soldats à un moment où les Palestiniens appellent au secours. La cause palestinienne est populaire dans tout le monde arabe. En montrant qu’il est un ami quand on a besoin de lui, alors que tous les autres Arabes font lamentablement défaut, le Hezbollah espère augmenter sa popularité. Si un accord israélo-palestinien était conclu aujourd’hui, le Hezbollah ne serait plus rien d’autre qu’un phénomène libanais local, sans rapport avec notre situation.

Moins de trois mois après sa formation, le gouvernement Olmert-Peretz a réussi à plonger Israël dans une guerre sur deux fronts, dont les buts sont irréalistes et dont on ne peut prévoir les résultats.

Une opération dictée par l'armée
Si Olmert espère être considéré comme Monsieur Macho-Macho, un Sharon puissance deux, il sera déçu. De même pour les tentatives désespérées de Peretz d’être pris au sérieux comme un Monsieur Sécurité influent. Tout le monde comprend que cette campagne - tant à Gaza qu’au Liban - a été planifiée par l’armée et dictée par l’armée. L’homme qui prend les décisions en Israël aujourd’hui est Dan Halutz [chef d'État major israélien, ancien chef d'État major de l'Armée de l'Air, Ndlr]. Ce n’est pas un hasard si le boulot au Liban est revenu à l’armée de l’Air.

Les gens ne sont pas enthousiastes sur la guerre. Ils y sont résignés, dans un fatalisme stoïque, parce qu’on leur dit qu’il n’y a pas d’alternative. Et en effet, qui peut dire le contraire ? Qui ne désire pas libérer les « soldats kidnappés » ? Qui ne veut pas éloigner les katyushas et réhabiliter la dissuasion ? Aucun homme politique n’ose critiquer l’opération (excepté les membres arabes de la Knesset, dont l’opinion juive ne fait pas cas). Dans les médias, les généraux règnent en maîtres, et pas seulement ceux en uniforme. Il n’y a presque aucun ancien général qui ne soit pas invité par les médias pour commenter, expliquer et justifier, tous parlant d’une seule voix.

(Par exemple : la chaîne de télévision la plus populaire d’Israël m’avait invité pour une interview sur la guerre, après avoir appris que j’avais participé à une manifestation anti-guerre. J’ai été très surpris. Mais pas pour longtemps : une heure avant l’émission, un organisateur du débat, confus, a appelé et dit qu’il y avait eu une terrible méprise - ils voulaient en fait inviter le professeur Shlomo Avineri, un ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères sur lequel on peut compter pour justifier, en langage diplomatique, tout acte du gouvernement, quel qu’il soit,.)

« Inter arma silent musae » - quand les armes parlent, les muses se taisent. Ou, plutôt : quand les canons tonnent, le cerveau cesse de fonctionner.

ET JUSTE une petite réflexion : quand l’Etat d’Israël a été fondé en pleine guerre, une affiche avait été collée sur les murs : « Tout le pays - un front ! Tout le peuple - une armée ! » Cinquante-huit ans ont passé, et le même slogan vaut toujours. Qu’est-ce que cela nous apprend sur des générations d’hommes d’Etat et de généraux ?

Uri Avnery

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Liban
Jours de ténèbres
3 août 2006
La guerre au Liban vue par le journaliste israélien Gideon Levy.

La dévastation que nous semons aujourd'hui au Liban ne touche personne ici et, pour l'essentiel, n'est même pas montrée aux Israéliens, constate l'éditorialiste de Ha'Aretz, qui déplore le ralliement de la gauche au consensus guerrier.

A la guerre comme à la guerre : Israël est en train de sombrer dans une atmosphère de nationalisme véhément dont les ténèbres commencent à tout obscurcir. Les freins dont nous disposions sont en train de s'user, l'insensibilité et l'aveuglement qui caractérisent la société israélienne depuis quelques années s'aggravent. Le front intérieur est coupé en deux : le nord souffre, le centre est serein. Mais les deux ont succombé aux accents du chauvinisme, du refus de la pitié, de la vengeance, et les voix de l'extrémisme, qui caractérisaient autrefois les marges de la société politique, expriment désormais son coeur. Une fois de plus, la gauche est perdue, drapée dans son silence ou « admettant des erreurs ». Israël exhibe un seul visage : celui du nationalisme.

Les hôpitaux de Gaza sont pleins d'enfants brûlés
La dévastation que nous semons aujourd'hui au Liban ne touche personne ici et, pour l'essentiel, n'est même pas montrée aux Israéliens. Ceux qui veulent savoir à quoi ressemble Tyr ces jours-ci doivent se tourner vers les chaînes étrangères : de ce qui se passe là-bas, la BBC nous rapporte des images effrayantes, des images que nous ne voyons pas ici. Comment pouvons-nous ne pas être choqués par la souffrance que nous infligeons aux autres même quand, chez nous, le nord souffre aussi ? Et la mort que nous continuons à semer, pendant ce temps à Gaza - 120 morts depuis l'enlèvement de Gilat Shalit, 27 en une seule journée, l'autre mercredi - nous touche encore moins. Les hôpitaux de Gaza sont pleins d'enfants brûlés, qui s'en soucie ? Les ténèbres de la guerre dans le nord les recouvrent aussi.
Depuis que nous acceptons de considérer les punitions collectives comme une arme légitime, il n'y a plus de raison de s'étonner que la cruelle punition que nous infligeons au Liban pour les actions du Hezbollah n'ait pas donné lieu à la moindre discussion. Si c'est acceptable à Naplouse, pourquoi pas à Beyrouth ? Les seules critiques que l'on peut entendre à propos de cette guerre concernent la tactique. Chacun est général, désormais, et pousse l'armée à intensifier ses activités. Commentateurs, ex-généraux et politiciens se disputent les propositions les plus extrêmes. [...]

Chauvinisme et appétit de vengeance
Le chauvinisme et l'appétit de vengeance relèvent la tête. Il y a deux semaines, seuls des illuminés comme le rabbin Shmuel Eliyahu, de Safed, parlaient d'«anéantir tout village depuis lequel une Katioucha est tirée». Maintenant, un officier supérieur des Forces de défense d'Israël s'exprime dans les mêmes termes à la une du Yediot Aharonot. Il se peut que nous n'ayons pas encore anéanti de village libanais, mais nous avons depuis longtemps effacé nos propres lignes rouges.
Haïm Avraham, un père en proie au chagrin depuis la mort de son fils kidnappé et tué par le Hezbollah en octobre 2000, tire un obus sur le Liban, pour les journalistes. En signe de vengeance. L'image de cet homme étreignant un obus « décoré » est l'une des plus honteuses de cette guerre. Et ce n'est pas la première. Un groupe de jeunes filles a aussi été photographié en train d'écrire des slogans sur des obus. [...]
Le Liban, qui n'a jamais combattu Israël, qui possède 40 quotidiens, 42 établissements d'enseignement supérieur, et des centaines de banques, est en train d'être détruit par nos avions et nos canons, et personne ne mesure la quantité de haine que nous semons. Aux yeux de l'opinion publique internationale, Israël est devenu un monstre, et cela aussi, il faudra l'inscrire au débit de cette guerre. Israël a été souillé par cette guerre. Une souillure morale qu'il ne sera pas facile d'effacer. Et que nous nous contentons de ne pas vouloir voir. Le peuple veut une victoire, et personne ne sait à quoi elle pourrait ressembler et quel prix nous devrons la payer.

Souillure morale
La gauche sioniste, elle aussi, s'est montrée coupée de la réalité, dans cette affaire. Comme à chaque moment difficile par le passé - lors des deux intifadas, par exemple - elle a été absente au moment précis où sa voix était si nécessaire pour faire contre poids à la véhémence des tambours de guerre. A quoi sert une gauche si, face à chaque épreuve, elle joint sa voix au concert national ? La Paix maintenant est silencieuse, tout comme le Meretz [...]. Seule l'extrême gauche fait entendre sa voix, mais c'est une voix que personne n'écoute.
Avant même que l'issue de cette guerre ne soit tranchée, il est déjà évident que son coût exorbitant inclura le prix de ces ténèbres morales qui nous recouvrent aujourd'hui, aussi menaçantes pour notre existence et notre image que les Katiouchas du Hezbollah.

Gideon Levy

© Ha'Aretz
Publié par Le Nouvel Observateur Semaine du jeudi 3 août 2006 - n°2178

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Sortir de la violence, de la peur et de la haine
27 juillet 2006

Recourir à la violence pour obtenir la sécurité et la paix est une illusion et une grave erreur. La guerre n’ajoute que la violence à la violence. Depuis le début de la crise à Gaza et au Liban on compte déjà les morts par centaines, les blessés par milliers, les déplacés par centaines de milliers. À ce bilan tragique, dont les civils sont les principales victimes, il faut ajouter la rancœur qu’éprouvent les millions de personnes plongées dans les affres de la guerre. Et le germe de la haine déposé dans le cœur des combattants de demain…

Le choix de la guerre est une option, rarement la seule possible. Dès lors, opter pour la guerre c’est endosser une lourde responsabilité. Se défendre, résister… sont des justifications recevables. Mais porter la mort et la destruction au cœur de zones densément peuplées de civils, détruire des infrastructures économiques, punir collectivement une population parce qu’un mouvement hostile se trouve sur son territoire, est non seulement une erreur tragique, ce sont autant de crimes de guerre dont sont complices les pays qui soutiennent les forces d’agression.

La peur, la haine, le ressentiment minent le Proche-Orient. Nombre d’Israéliens vivent dans la peur des attentats, des enlèvements et d’un environnement régional hostile. Les Palestiniens sont révoltés contre l’occupation, contre l’enfermement. Les réfugiés palestiniens vivent dans la souffrance d’un exil forcé et dans des conditions souvent sordides. Les Libanais subissent de plein fouet une offensive brutale et disproportionnée. Mais la violence n’est pas la réponse adéquate. Ni moralement, ni politiquement.

Les calculs froids de l’efficacité militaire, le cynisme du rapport de forces, la déshumanisation de l’Autre sont des régressions. Seuls des principes de justice et d’égalité, le respect du Droit international peuvent faire progresser le Proche-Orient vers les solutions politiques aux différents conflits qui le déchirent. La reconnaissance entière et sincère des souffrances et des injustices subies par l’Autre est la seule voie pour sortir du cycle de la violence, de la peur et de la haine.

La résolution 1559 peut être le point de départ d’une pacification réelle du Liban. Mais seul le gouvernement d’un État libanais totalement rétabli dans sa souveraineté est en mesure d’obtenir le désarmement du Hezbollah, dans le respect du fragile équilibre de la société libanaise et de l’intégrité de son territoire.
Dans le cas de la Palestine, les résolutions 242 sur le retour aux frontières de 1967, et 194 sur le droit au retour des réfugiés, non appliquées par l’État israélien, sont les bases d’une paix juste et durable. Les partenaires palestiniens existent pour une négociation qui reste l’étape obligée d’un règlement du conflit et d’une pacification de l’ensemble du Proche-Orient.

Les idéologies extrémistes ne trouveront des soutiens dans la population que tant que perdureront des situations inacceptables, tant que l’instinct de guerre l’emportera sur le courage politique et la peur sur la raison.
Nous appelons donc l’ensemble des protagonistes à s’engager sans réserve dans un processus de négociation pour un règlement dont les termes juridiques et politiques sont déjà largement élaborés.
Nous appelons les dirigeants français et européens à tout faire pour inciter les uns et les autres à renoncer à la violence et à choisir la voie du Droit et de la justice.

Le Proche-Orient est à nouveau à un moment décisif de son Histoire. Seul le courage politique, une vision à long terme qui transcende les prudences diplomatiques épargneront à tous de futures tragédies.

Appel signé par
• CCFD
• Caritas-France-Secours catholique
• Cimade
• Pax Christi
• Justice et Paix
• Mouvement international de la Réconciliation

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