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Elguijaronegro
4 novembre 2006

Xalbador parle de lui et des bertsularis

Egilea - Auteur : Xalbador (Fernando Aire)
Iturria - Source : Extrait du livre «Odolaren mintzoa»
liburutik hartu zatiak - Editions Sendoa Argitaletxea (1976)
Itzulpenak - Traductions : Kattalin Totorika -
Hautaketa - Sélection : Daniel Landart
Urtea - Année : 2004

Berger de métier…
C’est dans le métier de berger que je m’épanouissais le plus, mais on ne me laissa
pas m’occuper du troupeau avant que j’en exprime la volonté. Pourtant, à quatorze
ans j’avais déjà pris en charge tous les travaux en rapport avec les brebis. Jusqu’à la
disparition de mon père, le métier de berger constitua ma principale tâche ; par la
suite, je fus contraint de m’occuper de tout.

Le goût du chant…
Les messes chantées étaient célébrées également en semaine, et je chantais pour
accompagner le curé. Je faisais mon devoir avec beaucoup de plaisir parce qu’à cette
époque j’avais le goût du chant. Je n’eus aucun mal à apprendre ces chants religieux,
bien que ne comprenant pas ce que je chantais : car à l’époque, tout était en latin.
Quelques temps plus tard, je commençai à m’intéresser aux chants basques. J’en appris
quelques uns de la bouche de mes amis bergers, mais davantage encore à partir
de copies collectées ici ou là. La plupart m’étaient fournies par ma tante Mariana.
C’est ainsi que j’appris de très nombreux chants basques.
Il m’est arrivé de fredonner quelquefois au milieu de mes brebis. Il me semblait
qu’elles aussi appréciaient le chant.

Derrière les chants, des auteurs…
Par la suite, je commençai à penser que quelqu’un était à l’origine de ces chants magnifiques.
J’appris même qu’on les appelait improvisateurs. Cela me parut stupéfiant,
difficile à croire. Parce que je ne pensais pas avoir un tel don en moi. Je demeurai
fasciné à la pensée de ces personnages mystérieux.
Je savais pourtant depuis longtemps que tous nos merveilleux chants ne sont pas
forcément l’oeuvre d’improvisateurs ; de même, j’avais compris qu’écrire des chants,
et improviser des couplets sur une place publique ou dans une auberge sont deux
choses bien distinctes.

Le talent particulier de l’improvisateur...
Une fois, je surpris mon défunt père en train de discuter avec l’un de mes oncles
au sujet des improvisateurs. Ils affirmaient qu’ils avaient en eux un don particulier,
et que l’on entendait dans leurs bouches de nombreux mots que nous n’avons pas
coutume d’utiliser. Il était évident que tous deux ressentaient une grande admiration
pour l’improvisation.
Le père de mon père, paraît-il, versifiait aussi quelque peu, mais je ne saurais dire
dans quelle mesure il était un improvisateur. Toutefois, il avait problablement plaisir à
versifier. Qui sait ce qu’il aurait pu donner s’il avait été aidé comme nous l’avons été.
Je ne suis donc pas, dans notre lignée, le premier à avoir le goût de la versification.

L’envie de versifier, certes, mais pas les capacités...
J’ai déjà dit le désir que je ressentais de devenir improvisateur, mais je m’en sentais
bien incapable. Cela est tellement vrai que je n’essayais jamais d’élaborer le moindre
couplet, même lorsque je me trouvais seul, cela ne me venait même pas à l’esprit.
J’avais entendu quelques uns de mes amis raconter que dans les auberges, certains
s’affrontaient par le biais de couplets versifiés ; et qu’à leur écoute, ils riaient de bon
coeur. A l’époque, je ne fréquentais pas encore les auberges.

Des improvisateurs à l’auberge du village
Une année, au deuxième jour des fêtes du village, j’avais convenu avec mon ami de
toujours Lorentzo Tolosa que nous irions tous les deux au bal, le soir même. Le bal
devait se dérouler devant l’auberge Angelesainea.
Ce dont je me souviens, c’est que juste au moment où nous allions partir, nous
remarquâmes quatre ou cinq hommes qui improvisaient dans la cuisine de l’auberge.
Lorentzo et moi, nous les observions depuis la fenêtre.
C’était la première fois que j’entendais des improvisateurs ; mais ils n’étaient pas
comme je les avais imaginés ; et pas toujours non plus du niveau des auteurs des
chants que j’avais appris. Je fus surpris. Il ne fait aucun doute que je ne les considérais
même pas comme des improvisateurs. Autrement, ce qui arriva ne se serait
jamais produit.

Première improvisation à seize ans...
Ils s’en donnaient à coeur joie, sans répit, mais comme ils pouvaient ; et moi, je pensais
en moi-même : moi aussi je pourrais faire aussi bien qu’eux !
A un moment où ils s’étaient pratiquement tus, presque contre ma propre volonté,
je leur adressai un couplet, de la fenêtre où je me trouvais. Tous me regardèrent et,
comme des chiens, se jetèrent sur moi. Cela les avait dérangés qu’un jeune morveux
s’introduisit parmi eux.
Comme si j’avais fait quelque chose de mal, je m’enfuis vers la montagne, en compagnie
de Lorentzo.
Ce fut là ma première improvisation. J’avais seize ans.

Dans les auberges, on improvisait avec ferveur…
Bien qu’ayant improvisé mon premier couplet par la fenêtre, de l’extérieur de l’auberge,
je commençai à ma faire une place à l’intérieur, et aussi à improviser davantage.
Je ne saurais dire depuis quand, mais à ce moment là dans les bars d’Urepel il était
courant que certains, après avoir bu quelques verres, se mettent à improviser avec
ferveur.
Je les voyais faire, et moi aussi j’agissais de même, quatre ou cinq copains autour
d’une table, du vin et… celui qui n’allait pas au bout de son couplet payait la tournée.
Il ne m’est jamais arrivé de devoir payer ; je me débrouillais toujours pour terminer
mon improvisation.

Une tradition venue du Gipuzkoa…
Je crois que cette tradition d’improvisation dans les tavernes avait été apportée par
un berger qui venait de Zaldibi, en Gipuzkoa. Cet homme s’appelait Joxe Tolosa. Sa
femme aussi était du Gipuzkoa. Il s’agissait des parents de Lorentzo, que j’ai déjà
évoqué.
Cher Joxe… Quand il commençait à avoir le gosier chaud, comme il le disait luimême,
il se mettait à improviser.
Et si, comme je le pense, c’est lui qui amena ici cette tradition, c’est aussi grâce à
lui que je débutai. Par conséquent, même si je ne veux pas leur attribuer tous les
mérites, les gens du Gipuzkoa ont joué un grand rôle, dès le début, dans le fait que
je sois devenu improvisateur. Ce qu’ils pourraient formuler ainsi : «après cela, pas de
commentaire».

S’entraîner à improviser…
Entre seize et dix-neuf ans, je chantai de nombreuses improvisations. Même si je
n’étais pas au niveau de ces improvisateurs pour lesquels j’avais tant d’admiration, je
pratiquais ; et croyez-moi, je faisais d’énormes efforts pour arriver à quelque chose.
Lorsque j’étais seul, je n’avais de cesse d’essayer : j’improvisais, bien ou mal ; puis,
en prenant mon temps, j’essayais d’arranger et d’améliorer mes couplets. C’est cette
dernière formulation que je réussissais le mieux.

Deux événements tragiques…
J’avais dix-neuf ans lorsque deux événements me frappèrent presque dans la même
journée : la mort de mon père et le début de la guerre en France.
A partir de là, je ne chantais pratiquement plus. La période difficile de la guerre faillit
éteindre en moi cette flamme qui commençait tout juste à se fortifier ; la période
n’était pas à chanter des vers. Sans aucun doute cela fut très préjudiciable à mon
épanouissement en tant qu’improvisateur. Une plante, quelle qu’elle soit, ne s’aurait
s’épanouir comme il se doit, si elle est soumise à la tempête au moment de sa croissance.
Pourtant, une certaine réputation avait commencé à se propager à mon sujet .

Le championnat de Saint-Jean-de-Luz…
Après la guerre, lorsque Ernandorena commença à chercher des improvisateurs par
ici, il fut conduit jusqu’à moi. Il m’emmena au championnat qu’il avait organisé à
Saint-Jean-de-Luz.
Je m’y rendis en compagnie d’Iriarte et de Zubikoa, de Banka, et je dois dire que tous
les autres, rassemblés là-bas, m’étaient parfaitement inconnus.
C’est également à cette occasion que je fis la connaissance de notre cher Mattin,
d’Etxahun et du défunt Errexil.
Cette journée de Saint-Jean-de-Luz eut pour moi une grande importance, et je
peux dire sans honte que c’est grâce à Ernandorena que tout le Pays basque nous
a découverts, Mattin et moi ; mieux encore, c’est avec ce Monsieur que nous nous
sommes rendus à Paris.

Les gens commençaient à faire appel à nous…
A la suite de ce championnat de Saint-Jean-de-Luz, Ernandorena organisa d’autres
festivités de ce genre. A partir de là est née ici une sorte de passion pour l’improvisation.
Les gens commençaient à faire appel à nous, pour les fêtes de village, les
charivaris ou d’autres occasions.
Au début, je m’y rendais avec Iriarte, mais celui-ci se lassa rapidement, et se tut définitivement.
Il m’est arrivé également de m’interroger, de me dire que je n’irais plus. On ne
gagnait pas un centime, et pour se déplacer, c’était tout une affaire puisque nous
n’avions pas de voiture ! Il y avait parfois des gens pour vous emmener, mais rarement
pour vous ramener. Le train n’arrive même pas jusque dans notre coin isolé, et
à l’époque il était difficile, quand on était un peu loin, de rentrer chez soi.
A la maison, ils ont beaucoup enduré du fait que je persiste dans cette voie de l’improvisation.
Tout cela n’était pas non plus très bon pour notre santé.

Mattin…
Après la disparition d’Iriarte, Mattin devint mon compagnon régulier, ou était-ce le
contraire ? Cela dépendait !
Je n’ai pas toujours été très à l’aise pour improviser avec Mattin. Nous n’avions pas la
même façon de faire. Je ne valais rien quand il s’agissait de faire rire. Même si, fatalement,
j’ai essayé, cela ne m’a jamais vraiment réussi. En revanche, cela a toujours
été l’atout majeur de Mattin.
Moi-même, j’ai ri plus d’une fois à l’écoute de ses réparties.
Heureusement, j’avais compris depuis longtemps qu’il valait mieux ne pas se vexer
avec lui. Autrement, tant pis pour vous : il se réjouit de vous voir touché et vous en
adresse de pires. Alors, vous n’avez d’autre solution que de commencer à rire, vous
aussi.
En dehors de cela, Mattin est, plus que tout autre, un homme bon et agréable ; Nous,
ses amis, nous l’aimons tous.
La relève…
A présent, les improvisateurs qui se produisent le plus souvent de ce côté-ci avec
Mattin et moi sont Xanpun et Ezponde. Des garçons habiles et doués, et des amis
sans pareil.
Tout récemment, de jeunes improvisateurs ont fait leur apparition ici. Savent-ils le
plaisir qu’ils m’ont fait ? Il s’agit d’Alkhat, Mendiburu et Arrosagaray, pour les plus
connus.
Nous, les anciens, nous aurons toujours eu le plaisir d’avoir transmis, coûte que
coûte, l’improvisation à ces jeunes. Pourvu qu’ils la transmettent à leur tour à quelques
autres.

sources

Euskal kulturari buruzko atarian telekargatu dokumentua: www.eke.org ©
Document téléchargé sur Le portail de la Culture basque : www.eke.org ©

Château Lota Jauregia - 64480 Ustaritz - Uztaritze
Tél. 05 59 93 25 25 - Fax. 05 59 93 06 84 - eke@wanadoo.fr

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Commentaires
L
trés bel article ! nous compatissons!
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