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Elguijaronegro
27 février 2008

A la mémoire de Flo

Ce n'était pas une fausse rumeur, hélas, Flo est bien décédée, Djam qui me l'avait annoncé hier sous toutes réserves, me l'a confirmé ce matin au réveil, dur réveil!

Tout hier j'avais erré, la tristesse à l'âme, et retourné la question: mon Dieu était-ce ou serait-ce possible? Flo, 40 ans décédée? Et de quoi? Elle avait survécu à tant d'outrages et de maux!

Elle avait mis tant de rage à défendre ses cinq enfants, sa nichée contre les prédateurs, contre la délinquance, contre l'illettrisme, contre la pauvreté.

Le jour de l'an, elle m'avait mis une petite carte de voeux dans la boite aux lettres avec un gentil message et des souhaits de santé pour 2008, et moi, si déphasée par mes maladies et leurs traitement, qui n'avais pas répondu, pas de carte, pas de visite, pas de moment passé à prendre le café ensemble chez elle, pas de petit cadeau apporté pour casser la graine. Je m'en voulais, mais depuis le début février j'étais passée devant chez elle plusieurs fois, pas âme qui vive. Je l'ai aperçue il y a quatre jours, au week-end, elle revenait de l'hypermarché, à pied avec Bichente, son petit dernier, âgé de 11 ans, et que j'avais eu en ateliers de travaux manuels lorsqu'il était à la maternelle!

Bichente la dépassait de deux têtes! Il la soutenait presque. Etait-ce le temps maussade? Je l'ai trouvé éteinte, un teint de papier mâché, toute rapetassée dans son manteau à carreaux vert d'eau. Je me suis confondue en excuses: "J'ai bien eu ta carte, oh je te remercie! mais tu vois avec mes va-et-vient constants, je n'ai pas pris le temps de te répondre!"

Elle a fait un signe de dénégation de la main, m'a demandé comment je me portais, m'a dit qu'elle ça pouvait aller. Nous étions pressées toutes deux, il crachinait des gouttelettes, le pavé tout neuf était luisant, glissant, je me suis engouffrée chez moi, et j'ai dit à Djam: "Tu crois que ça va, elle?"

Il m'a répondu: "Tu as vu comme Bichente a grandi?"

Et nous en sommes restés là.

Quelques temps avant noël, il faisait froid mais très beau, elle était à sa fenêtre, et m'avait lancé: "Eh Hayet, alors comment vas-tu? Tu prends tes remèdes? tu continues ta cure?"

Je lui avais répondu que oui, bien sûr et plus que jamais, mais que j'avais fait une rechute importante et que je repartais de plus bas que les mois précédents, alors elle m'avait confié, en se roulant une cigarette: "Tu sais je te dis ça, mais je suis gonflée, ça fait des mois que je recule pour prendre rendez-vous pour me faire opérer mes dents! alors tu vois..."

Là, je m'étais permis de lui dire avec fermeté que c'était risqué, j'avais moi-même eu la gangrène à deux dents de devant et j'avais été prise d'extrême justesse, non seulement elle risquait de souffrir horriblement, mais aussi de perdre la vue et même de mourir peut-être avec ses abcès infectés en permanence. Elle avait haussé les épaules: "C'est allé jusque là comme ça, et surtout, je ne veux pas laisser les petits tout seuls!" (les petits ce sont ses deux derniers, ceux qui restent à la maison avec elle parce qu'ils sont d'âge scolaire et qu'elle suit de près pour qu'ils réussissent comme leurs aînés, malgré le contexte difficile dans lequel ils évoluent). Je la comprends: ils se sont fait agresser plusieurs fois, on a essayé de les racketter, de leur proposer de la drogue à plusieurs reprises, de les entraîner à boire, à fumer. Elle a raison d'un côté...

Oh, bon sang, j'espère que ce n'est pas la septicémie qui l'a emportée! Bichente l'a retrouvée allongée sur le tapis, comme assoupie, il a essayé de la secouer, de la réveiller, c'était trop tard.

Elle sera enterrée dans deux jours, dans le lieu où ses vieux parents ont pris la retraite. Y a-t-il enquête pour déterminer la cause de sa mort? De toutes manières, nous ne saurons rien, n'étant pas de la famille.

Et nous ne serons pas présents aux obsèques, je poursuis mon traitement à 400 km de ce lieu!

En souvenir de Flo, j'ai écrit le début de son histoire, je la continuerai petit à petit, "in memoriam". C'est ma façon de rendre honneur à toutes les petites "mère courage" de la planète.

KNTHMH 26 février 08

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